Les écrits d’un anarchiste kabyle
Il n’avait cure de la postérité: bien des écrits de lui se sont perdus et en dehors de quelques cénacles cultivant sa mémoire, Mohamed Saïl a sombré dans l’oubli. Voilà pourtant une figure majeure du mouvement ouvrier et du combat anticolonialiste. Ce Kabyle né à la charnière de deux siècles, mort en 1953, à Bobigny, vécut mille vies: antimilitariste ayant déserté les tranchées de la Grande Guerre, chauffeur mécanicien, réparateur de faïence, militant anarcho-syndicaliste, volontaire en Espagne dans la colonne Durrutti. C’est à ce personnage que Prévert dédia son poème Étrange étranger. Les éditions Lux ont réuni une trentaine de ses textes, réquisitoires contre le racisme et l’oppression coloniale, réflexions sur la condition ouvrière, lettres du front d’Espagne, articles sur le calvaire des travailleurs nord-africains. Ce rebelle connut la prison, jamais il ne cessa de faire retentir ses mots de colère. Ceux-là résonnent encore: «Puisque nous nous coudoyons journellement, cherchons plutôt à nous comprendre pour mieux nous unir face à l’ennemi commun: le capitalisme et l’État.»
R. M., L’Humanité, 8 octobre 2020
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