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17 août 2020

«Les Empoisonneurs»: comment la haine s’invite dans le débat public

Qui sont les « empoisonneurs » de Sébastien Fontenelle ? Et sur qui exercent-ils leur pouvoir ? Les éditions Lux font paraître un essai concis sur les personnalités, intellectuelles, politiques ou médiatiques, qui contribuent à renforcer les idées préconçues et l’hostilité parfois manifestées à l’encontre des minorités.

« En l’espace de deux décennies, la haine […] a été largement normalisée. Entre le tout début des années 2000 et le moment où ces lignes sont écrites – dans le confinement de la fin du mois de mars 2020 –, les vociférations visant les migrants et les musulmans ne sont pas seulement devenues affreusement banales : elles sont, désormais, systématiquement valorisées dans la presse et les médias. » Sébastien Fontenelle réfute sans le vouloir un argument que la sociologue américaine Robin DiAngelo décrit comme symptomatique de la « fragilité blanche » : celui consistant à affirmer que le politiquement correct a eu raison de la liberté d’expression. Car ce que le journaliste et chroniqueur à Politis radiographie dans son petit essai, c’est précisément l’espace médiatique que s’arrogent en toute liberté ceux qu’il qualifie d’« empoisonneurs » : les incubateurs de l’antisémitisme, de l’islamophobie ou, plus largement, de la xénophobie. Quelques personnalités publiques, souvent réunies sur des bases affinitaires, se trouvent en bonne place dans l’ouvrage : Éric Zemmour, Renaud Camus ou Alain Finkielkraut.

Le premier fut plusieurs fois condamné pour incitation à la haine raciale et s’est échiné, par le passé, à défendre le régime vichyste. Le second façonne des concepts comme d’autres font des saucisses, le plus tristement célèbre demeurant le « grand remplacement » qui aboutirait selon lui à la substitution des populations européennes par des allochtones musulmans et/ou africains. Le troisième a son rond de serviette sur l’honorable France Culture, où il anime et produit depuis 1985 l’émission Répliques, dans laquelle a d’ailleurs pu s’exprimer son ami Renaud Camus, soi-disant pour mettre fin à « l’absence omniprésente » du remplacisme dans le débat public. Ces trois-là se tiennent en haute estime et se flattent régulièrement : Renaud Camus salue les bons mots d’Alain Finkielkraut selon lesquels « l’antiracisme sera le communisme du XXIe siècle » ; Éric Zemmour se félicite de l’intronisation de ce dernier à l’Académie française et l’invite dans son émission télévisée sur CNews ; le même Zemmour cite volontiers Renaud Camus, avec qui il partage des accointances idéologiques indiscutables. Les trois suffiraient probablement à former une matrice hostile aux musulmans et dressée vent debout contre la prétendue bien-pensance antiraciste. Sébastien Fontenelle rapporte et commente la manière dont ils placent un discours sulfureux au cœur du débat public. Et l’auteur de rappeler à quel point ce dernier peut infuser dans l’esprit d’un Anders Breivik ou d’un Brenton Tarrant, deux des pires terroristes d’extrême droite de ces vingt dernières années.

Au-delà de ces têtes de gondole médiatiques et identitaires, Les Empoisonneurs s’intéresse aussi à Antoine Gallimard, qui publia dans « La Pléiade » Pierre Drieu la Rochelle, fervent partisan de la collaboration avec les nazis, à Oriana Fallaci, auteure d’un pamphlet raciste paru aux éditions Plon ou encore à Donald Trump, dont la campagne est jugée « violemment xénophobe » et « ponctuée […] par ses saillies contre les migrants et les musulmans ». Sébastien Fontenelle n’oublie pas d’interroger les auteurs sulfureux du passé tels que Charles Maurras ou Louis-Ferdinand Céline. Il goûte peu le relativisme, voire le détachement, avec lequel certains jugent aujourd’hui leur œuvre. Mais Les Empoisonneurs, qui privilégie les observations aux grandes théories, servira surtout à décrypter les « colères identitaires » et les « passions xénophobes » tout en passant en revue ces moments où elles se relient ou se relaient, de manière plus ou moins explicite, sous le regard complaisant ou critique de la presse et de la classe politique.

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