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27 juin 2020

«La lutte ou la chute!»: Noam Chomsky, critique jusqu’au bout

Lux Éditeur publie un recueil d’entretiens de l’intellectuel de gauche avec Emran Feroz.

À 90 ans, Noam Chomsky n’a rien perdu de sa verve en tant que critique de la politique internationale et, plus particulièrement, de celle des États-Unis.

L’intellectuel de gauche vit aujourd’hui à Tucson, où il enseigne à l’Université d’Arizona. C’est là que le journaliste allemand Emran Feroz l’a rencontré en 2018 pour une série d’entretiens, qui viennent d’être traduits en français sous le titre La lutte ou la chute!, publié chez Lux Éditeur.

Ces échanges portent tour à tour sur l’extermination des autochtones aux États-Unis, sur l’impérialisme américain en Amérique latine, sur les mouvements de l’économie mondiale, mais aussi sur les changements climatiques et la politique de Donald Trump aux États-Unis.

Le penseur et linguiste de formation y reprend d’entrée de jeu la défense des opprimés et des minorités en parlant de sa région d’adoption, l’Arizona, comme d’un Mexique occupé, faisant référence à la guerre que les États-Unis ont menée dans la région au milieu du XIXe siècle.

«L’extermination des autochtones, dit-il, reste sans doute l’une des pires atrocités de l’histoire de l’humanité.»

S’y ajoute bien sûr l’esclavage. «Peu de gens sont conscients du caractère exceptionnel et ignoble de l’esclavage américain. De même, peu de gens savent que l’esclavage est aux fondements de la richesse et du développement des États-Unis et de l’Angleterre en particulier», dit-il.

Cela étant dit, tout aussi riches et puissants qu’ils soient, les États-Unis n’ont pas le monopole du racisme et de l’exploitation. Et Chomsky fait régulièrement des parallèles entre la politique américaine en Amérique du Sud par exemple, et celle de l’Europe en Afrique. «Je pense qu’à plusieurs égards, l’Europe est plus raciste que les États-Unis», dit-il, en évoquant la crise des migrants africains.

«Des êtres humains fuient une Afrique dévastée pour aller en Europe et que fait l’Europe?»

Reste que Noam Chomsky se fait, en tant qu’intellectuel américain, un devoir de critiquer d’abord et avant tout la politique des États-Unis. «Assumer sa part de responsabilité dans les affaires publiques permet d’évaluer le degré de liberté de la société dans laquelle on vit, avance-t-il. En revanche, on obtient plus en se concentrant sur les dérives de notre société, notamment dans les régimes plus permissifs.»

Ces entretiens ont évidemment eu lieu avant la crise de la COVID-19. Noam Chomsky y est par ailleurs très critique envers la position du gouvernement Trump quant aux changements climatiques, et les données qu’il avance donnent froid dans le dos. «Prenons par exemple les changements climatiques, la question la plus importante de l’histoire de l’humanité — 40% des Américains croient que ça n’est pas un problème puisque de toute façon, le Christ va revenir dans les prochaines décennies», dit-il.

«Alors que nous allons bientôt faire face à une tragédie, les États-Unis participent à la course à la destruction.»

Nourrie de décennies d’observation attentive du monde, la pensée de Noam Chomsky est claire et précise. S’il assume entièrement ses prises de position et son rôle de militant, il laisse au bout du compte au lecteur le soin de parfaire ou de construire sa propre idée sur les faits. En ce sens, ce petit livre entre dans le droit fil de la méthode d’autodéfense intellectuelle qui lui est chère et qu’il s’applique depuis longtemps à diffuser.

Caroline Montpetit, Le Devoir, 27 juin 2020

Photo: Heuler Andrey / Agence France-Presse

Lisez l’original ici.

 

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