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27 avril 2020

Serge Bouchard: anthropologue, conteur et routier

Depuis plus de 25 ans, les réflexions et la voix rassurante de l’anthropologue Serge Bouchard accompagnent les auditeurs de la radio de Radio-Canada. Découvrez dans nos archives quelques émissions mémorables et sujets chers à cet observateur du fait social.

La pratique d’une anthropologie moderne

En 1973, Serge Bouchard complète sa maîtrise à l’Université Laval avec un mémoire portant sur le savoir des chasseurs innus du Labrador. Il fait ensuite une thèse de doctorat à l’Université Mc Gill (1980) sur la vie des camionneurs.

Vers la fin des années 1970, les terrains des anthropologues ne se retrouvent plus seulement dans les lieux exotiques auprès de communautés isolées. Serge Bouchard pratique un courant d’une anthropologie appliquée qui étudie le monde moderne. Habile communicateur, il travaillera auprès de plusieurs organisations à titre d’anthropologue consultant en management.

Les autochtones, leur rapport à la nature, la nordicité et la vie du routier, demeureront des thèmes affectionnés par l’auteur tout au long de sa carrière.

Le 28 août 1981, l’animateur de Reflets d’un pays, Serge Cossette, s’entretient avec le chercheur dans le cadre d’une émission traitant du quotidien des chauffeurs de camion.

Serge Bouchard livre ses observations sur ce groupe de travailleurs qu’il a accompagné durant deux ans. Il constate que le groupe est sélectif, que les critères pour être un chauffeur reconnu et respecté sont nombreux. « C’est plus qu’un emploi, c’est un mode de vie. »

Décortiquer nos lieux communs

C’est durant ses études à l’Université McGill que Serge Bouchard se lie d’amitié avec l’anthropologue Bernard Arcand, qui est à l’époque son directeur de thèse.

Au milieu des années 1990, les deux acolytes deviennent des témoins de nos lieux communs. Ces réalités du quotidien, que nous ne voyons plus, Serge Bouchard et Bernard Arcand les observent et nous partagent leurs réflexions.

À la radio de Radio-Canada, les anthropologues livrent tour à tour un monologue sur un sujet choisi : l’opinion, le cimetière, les pompiers, les méchants, la calvitie, etc.

Si les propos font parfois sourire et sont empreints d’humour, ils n’en demeurent pas moins toujours savants et font preuve de beaucoup de finesse. Les réflexions sont soutenues par des références historiques et culturelles.

Le 25 mai 1994, les auditeurs peuvent entendre le 55e épisode du Lieu commun. Dans cet extrait d’émission radio, il est question du mensonge.

«Méfiez-vous des gens qui commencent toutes leurs phrases en employant cette expression : “Pour être franc et honnête,” ces gens-là ont quelque chose à cacher» lance Serge Bouchard. Le ton de l’émission est donné.

Au cours de sa carrière, Serge Bouchard publiera plusieurs ouvrages sur ses terrains auprès des communautés autochtones, sur les animaux de nos forêts, sur les personnages historiques laissés pour compte, etc. Les lieux communs feront l’objet de sept recueils.

À partir des années 1990, on voit apparaître de plus en plus souvent l’anthropologue à la télévision où il est invité à livrer ses réflexions sur plusieurs thèmes philosophiques ou d’actualité.

Le 12 septembre 1999, l’émission La vie d’artiste l’interroge sur plusieurs grandes questions. Dans cet extrait, la réalisatrice Marie-Claude Dionne lui demande « Sommes-nous libre? ».

« Pas du tout » répond-il sans hésitation. Nous sommes d’abord et avant tout des êtres sociaux et cela apporte son lot de contraintes.

«Un être humain n’est rien seul. Il est donc la somme de ce qu’il va apprendre. Il va être heureux dans une certaine stabilité. Donc c’est une relative aliénation.»

Serge Bouchard, La vie d’artiste

Sur la route avec Serge Bouchard

Après de la diffusion du Lieu commun qui aura duré cinq ans, Serge Bouchard prend la barre d’une nouvelle émission, Les chemins de travers, dont la première est diffusée le 25 juin 2000.

Pour le premier thème de l’émission, l’anthropologue revient à une de ses passions, la route.

«La route c’est ma passion, je suis un routier et je vous invite à embarquer avec moi.»

Serge Bouchard, Les Chemins de travers

Le voyage dure 14 ans. Chaque dimanche, l’animateur emprunte Les chemins de travers pour livrer ses réflexions sur les sujets qu’il affectionne.

En 2003, il part avec une équipe parcourir le Canada d’est en ouest à l’occasion des 40 ans de la route Transcanadienne.

L’émission Une épinette noire nommée diesel est diffusée pour la première fois le 24 février 2003 à partir de Cape Spear près de Saint-Jean de Terre-Neuve. Dans cet extrait radio, l’animateur et la réalisatrice Rachel Verdon expliquent le concept aux auditeurs.

Serge Bouchard précise que la route est souvent un sujet qui est sous-estimé, car elle est l’intervalle.

«Le chemin, c’est physique, c’est abstrait, c’est dans notre tête. Tout est chemin. On dit bien de notre galaxie qu’elle est la Voie lactée. On la voit comme une voie. On voit beaucoup de choses comme un chemin, notre vie est un chemin.»

Serge Bouchard, Une épinette nommée Diesel

En traversant les paysages d’un océan à l’autre, il nous raconte les lieux visités et l’histoire de certains personnages marquants.

Raconter les oubliés de l’histoire de l’Amérique

En février 2005 commence l’émission De remarquables oubliés. Toujours accompagné de la réalisatrice Rachel Verdon, Serge Bouchard nous propose une autre façon de voir l’histoire. Chaque épisode nous fait découvrir le parcours de personnages surprenants occultés par les historiens.

« De remarquables oubliés prend le parti des oubliés et des maltraités de l’histoire », dira Rachel Verdon lors de la première émission. Le concept tiendra les ondes jusqu’en 2011.

«Pour moi, anthropologue, historien, Nord-américain et passionné de diversité culturelle amérindienne, une des plus grandes tragédies de l’histoire du monde, c’est l’Amérique.»

Serge Bouchard

Le 28 juillet 2014, en vue de l’ouverture du Musée canadien pour les droits de la personne à Winnipeg, la journaliste Azeb Wolde-Giorghis s’entretient avec Serge Bouchard au Téléjournal.

Il évoque la méconnaissance des Canadiens sur la place des autochtones dans l’histoire du pays.

Le Canada ne reconnaît pas de génocide à l’intérieur de ses frontières. Pourtant selon l’anthropologue, il est documenté qu’à Terre-Neuve, les Béothuks ont été exterminés par les Anglais et les Français.

«On joue sur les mots, sur les personnes. On va dire Louis Riel a été pendu à Régina, mais qui sait que huit Cris ont été pendus à Winnipeg dans le même mouvement? Quels étudiants connaissent leurs noms?»

Serge Bouchard

Les premières nations occupaient le territoire dans toute l’Amérique et elles vont disparaître à 80 % après le contact avec les Européens. Elles seront décimées en raison de maladies, mais également avec les armes.

L’anthropologue explique que de ne pas le reconnaître l’a toujours profondément blessé.

Les émissions animées par Serge Bouchard à la radio de Radio-Canada

  • Le lieu commun (9 septembre 1992 au 30 mars 1997)
  • Les chemins de travers (25 juin 2000 au 17 août 2014)
  • Une épinette noire nommée Diesel  (24 février 2003 au 14 mars 2003)
  • De remarquables oubliés  (28 février 2005 au 27 octobre 2011)
  • Récit  (6 janvier 2018 au 5 janvier 2020)
  • Les petits philosophes (26 décembre 2011 au 26 janvier 2012)
  • C’est fou  (27 juin 2010 – en ondes )

On peut entendre Serge Bouchard sur ICI PREMIÈRE tous les dimanches soir 19 h à son émission C’est Fou alors qu’il fouille les sujets de société en compagnie du sociologue Jean-Philippe Pleau.

Radio-Canada, 27 avril 2020

Photo: Radio-Canada

Lisez l’original ici.

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