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22 août 2019

Un essai relance la querelle sur Foucault et le néolibéralisme

Les sociologues Mitchell Dean et Daniel Zamora poursuivent le débat sur Michel Foucault et le néolibéralisme dans un essai critique, “Le dernier homme et la fin de la révolution” (éd. Lux). Ils reviennent sur les dix dernières années de sa vie et de son œuvre, quand dans sa quête d’une “gouvernementalité de gauche”, il s’intéressa à ce courant de pensée.

Au milieu des années 1970, le rêve d’une société sans classe, rendu incandescent par Mai 68 partout dans le monde, a du plomb dans l’aile. Alors que cet idéal s’éloigne, et que les “nouveaux philosophes” passés “du col mao au Rotary” (pour reprendre le titre d’un livre fameux de Guy Hocquenghem) annoncent la fin des utopies, Michel Foucault commence à s’intéresser au néolibéralisme. Cette école de pensée en plein essor sonne chez lui comme une promesse d’autonomie et de marges de liberté plus grandes pour les pratiques minoritaires (sexe, drogues, refus de travailler…). Alors qu’il juge la gauche de tradition marxiste dans l’impasse, son regard se décentre : la question des inégalités n’est plus prioritaire, celle du pouvoir le devient. Dans Le dernier homme et la fin de la révolution. Foucault après Mai 68 (Lux), les sociologues Mitchell Dean et Daniel Zamora examinent méticuleusement ce tournant pour porter un regard critique sur l’héritage politique de Foucault, et relancer le débat sur sa relation à cette école de pensée. Entretien.

Pourquoi vous semblait-il important de revenir sur le lien entre Michel Foucault et le néolibéralisme, pendant les dix dernières années de sa vie (entre 1975 et 1984) ?

Mitchell Dean – Les cours qu’il consacre au néolibéralisme, en 1978-79, et qui sont rassemblés dans Naissance de la biopolitique, sont importants à plusieurs égards. Tout d’abord ils sont les seuls que Foucault a directement dédiés à son présent. Aujourd’hui l’immense majorité des travaux sur ce qui constitue peut-être l’un de ses textes les plus cités y voient une perspective critique, malgré le fait que Foucault adopte une perspective essentiellement descriptive. Son travail est aujourd’hui totalement décontextualisé, façonnant un Foucault qui sert les agendas intellectuels des uns et des autres. Ce que l’on essaie de montrer, c’est que ce contexte est un élément essentiel pour comprendre son projet intellectuel et plus généralement les mutations de la vie intellectuelle française de la fin des années soixante-dix. Enfin, c’est aussi une manière de revenir sur son héritage. En particulier au regard de l’immense influence de son œuvre, spécifiquement au sein des intellectuels à gauche.

Daniel Zamora – J’ajouterai que c’est aussi important en ce que l’analyse que Foucault a faite du néolibéralisme était très complaisante. Elle nous a à la fois donné une compréhension interne brillante du néolibéralisme, tout en nous désarmant pour le critiquer. Revenir sur cette période, c’est donc comprendre les conditions de l’échec de la gauche au tournant des années 80.

A l’époque, le néolibéralisme est un “collectif intellectuel” en formation, après les désillusions du “socialisme réel” et le reflux progressif du mouvement social. Qu’est-ce qui séduit Michel Foucault dans ce courant de pensée ?

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Mathieu Dejean, Les Inrockuptibles, 22 août 2019

Photo: Michel Foucault dans les années 70 à Paris (AFP PHOTO)

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