Union européenne, le grand chantier
Cerner la nature du pouvoir de l’Union européenne à travers son bâti bruxellois, telle est l’ambition de Ludovic Lamant. Dans Bruxelles chantiers. Une critique architecturale de l’Europe, le journaliste, correspondant à Bruxelles pour Médiapart de 2012 à 2017, dévoile une dimension méconnue de la construction communautaire. «Décors de carton-pâte», «succession de façades flottantes à la pierre triste», «effet bunker d’institutions imprenables»: le district européen ressemble à un quartier d’affaires anonyme. À l’exception notable qu’ici, lobbies, banques et assurances partagent les locaux d’institutions présidant à la destinée de 500 millions d’Européens. L’enquête retrace l’histoire des débats au sein de l’Union entre partisans d’une hard capitale, à l’image de Washington ou Brasilia, et tenants d’une version soft, avec une moindre incarnation du pouvoir. Selon Ludovic Lamant, l’UE aurait sciemment rejeté une architecture trop grandiloquente pour lui préférer un bâti moins explicite, à rebours de celui privilégié par les régimes totalitaires. Le journaliste interprète ce choix comme une forme de franchise de la part des décideurs européens quant aux failles de l’institution. Difficile pourtant de ne pas y voir une forme de gouvernement refusant d’assumer son pouvoir, évitant ainsi de représenter une cible oiur une éventuelle contestation populaire. L’ouvrage se penche également sur les rapports houleux entre Bruxellois et institutions européennes, portant ainsi la critique des instances communautaires sur un terrain inattendu.
Pauline Porro, Socialter, no 35, 12 juin 2019