Errico Malatesta – Articles politiques
Malatesta fut parmi les militants qui participèrent à l’implantation et au développement de l’anarchisme en Italie, en Europe et en Amérique latine à l’instar de Bakounine, Reclus Cafiero, Fanelli et bien d’autres. Mais il fut aussi un observateur attentif du mouvement anarchiste et ouvrier, un rédacteur prolixe et critique et souvent avisé des évolutions et des débats qui animèrent en son temps le mouvement libertaire. Ce recueil en atteste.
Il s’agit là d’une réédition de textes rassemblés par Franck Mintz alias Israël Renov publiés en 1976 revus et augmentés pour cette nouvelle parution chez Lux. D’autres textes le furent par la suite dans les années 1980, édités par le groupe 1er mai de la Fédération anarchiste d’Annecy dont les couvertures de notre compagnon Jean-François Ducret firent date par leur esthétisme. Les textes proposés ici sont des articles écrits pour de nombreux journaux libertaires en Italie et ailleurs. Tous visent à leur manière, comme l’écrivait Malatesta « à apprendre à penser et à agir librement » et à susciter « l’esprit d’association et de résistance » (2). L’ouvrage n’est pas à lire nécessairement dans la logique des pages qui se tournent, chacun peut courir d’un article clair et souvent concis à un autre au gré de ses centres d’intérêts. A noter que la plupart d’entre eux qu’ils soient théoriques ou pratiques restent d’une grande actualité bien qu’ils furent rédigés entre 1884 et 1932, année de la mort de Malatesta. Que ce soit celui intitulé : un peu de théorie qui ouvre le volume, ceux consacrés à la nécessité de l’organisation anarchiste, aux mouvements sociaux révolutionnaires ou ceux plus tardifs relatifs au fascisme.
En bref, des textes de réflexion parfois essentiels au présent de l’anarchisme autour de la question de l’organisation synthésiste ou relavant de la plateforme. Question sur laquelle Malatesta apporte des éléments éclairants dans ses articles ainsi que dans sa correspondance avec Nestor Makhno ; ou encore autour de la question syndicale lors du congrès de 1907 à Amsterdam. Pendant longtemps à circuler l’idée que Malatesta était opposé au syndicalisme. Il n’en fut rien, il reconnaît « toute l’utilité, la nécessité même, de la participation active des anarchistes au mouvement ouvrier ». Il ne souligna que les limites et les risques de dérives bureaucratiques d’un syndicalisme se suffisant « à lui-même comme moyen pour accomplir la révolution sociale et réaliser l’anarchie » voire d’en être le seul organisateur. D’où l’importance en parallèle, pour Malatesta, d’une organisation spécifique permettant aux militants syndicalistes de se ressourcer sans pour autant que celle-ci est pour finalité une quelconque « domination » sur l’organisation ouvrière. Le recueil aborde aussi la question agraire à l’époque centrale dans la geste révolutionnaire dans le cadre d’un dialogue didactique ou de controverses avec d’autres militants. On trouve dans ces textes sur la ruralité, malgré tout un peu vieillis, quelques remarques et quelques propositions d’un certain intérêt. D’autres au contraire éclairent le lecteur soit sur les sirènes électoralistes auxquels certains anarchistes parfois succombent – Malatesta parle d’anarchistes « électionnistes » – soit sur les illusions socialistes quant à la prise du pouvoir d’Etat par les urnes ou le coup de force minoritaire. Prise de pouvoir sans que ces initiateurs aient conscience de devenir les fossoyeurs de la Révolution comme l’histoire nous l’a malheureusement maintes fois confirmé.
Une autre partie de l’ouvrage est centrée sur la pratique révolutionnaire, les textes présentés offrent une analyse anarchiste précise de la grève générale d’Ancône en 1914 ou les occupations d’usines en 1920. A partir de ces faits Malatesta se livre à des réflexions critiques sur ce qui oppose, dans l’action révolutionnaire, les anarchistes aux socialistes autoritaires des différentes écoles. En cela, ses articles sur réforme ou révolution, liberté ou dictature, idéalisme et matérialisme sont d’une grande lucidité. Il y réaffirme avec force qu’il n’y a qu’une voie à emprunter pour mener à bien une transformation radicale de la société : « celle de la liberté qui éduque à la liberté et à la solidarité ». Ainsi ces textes écrits au fil des ans sur prêt de 50 ans sont un rappel constant aux fondamentaux théoriques, pratiques et éthiques de l’anarchisme. Ils sont aussi une belle leçon de pragmatisme révolutionnaire et aussi d’optimisme. En effet, comme le rappel Mintz dans une note de bas de page, Errico Malatesta et Luigi Fabri fondèrent la revue Pensiero e Volonta. Celle-ci avait pour devise « nous avons été vaincus […] à force de perdre on finit toujours par gagner ». Les temps ont passé, ce n’était donc que partie remise et la balle est aujourd’hui dans notre camp, il s’agit juste de Penser et d’avoir la Volonté de l’anarchisme.
Éric, blogue d’Hugues Lenoir, 9 mai 2019
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