Description
À la différence des Noirs, soumis à l’esclavage mais maintenus, par cette triste cohésion offerte par leurs chaînes, dans une situation communautaire pouvant éventuellement favoriser une émancipation, les Cadiens de la Louisiane furent fractionnés, eux, en petits groupes et privés de tout contact social. Ils vécurent le plus souvent coupés de tout, y compris et peut-être surtout d’eux-mêmes, en plus d’avoir été donnés en pâture à des haines de classe et de race sans nom.
Les Cadiens qui voulurent entrer dans l’histoire officielle, tel que le rappelle Jeanne Castille, se devaient de le faire en renonçant définitivement à celle de leur peuple ou, du moins, à ce qui en tenait lieu. Au premier chef, il fallait abandonner la langue française. Dans les écoles auxquelles des générations de Cadiens eurent accès, des règlements infâmes interdisaient l’usage du français tout autant que l’affirmation de n’importe lequel usage culturel propre. En Louisiane, cette histoire muette et tragique se poursuivit de façon à peu près inchangée jusqu’au début des années 1950. L’État de la Louisiane eut beau reconnaître par la suite le principe d’une existence française sur son territoire, la langue de Molière s’était déjà en bonne partie décomposée comme ces alluvions que draine et digère peu à peu le Mississippi jusqu’à l’océan.
—Extrait de la présentation de Jean-François Nadeau
Moi, Jeanne Castille, de Louisiane, a reçu le prix du meilleur livre du genre de la Société Saint-Simon en 1983 et les louanges de Bernard Pivot dans le cadre de sa célèbre émission littéraire.