Bulletin de l’Association Mathématique du Québec, octobre 2006
Livre référence:
Petit cours d’autodéfense intellectuelle
Petit cours d’autodéfense intellectuelle
Quand l’auteur de ce livre, Normand Baillargeon, philosophe et anarchiste à l’UQAM, faisait la promotion de ce livre dans les médias lors de sa parution, il ne se gênait pas pour s’exclamer sur les mérites d’une bonne et « solide » éducation en mathématiques. Ce discours rafraîchissant rejoint beaucoup celui que j’entretiens avec mes étudiants, d’autant plus que les mathématiques font partie ici des instruments de critique et d’autodéfense face aux messages, envahissants et souvent manipulés, du monde moderne.
Le livre n’apporte pas de nouvelles réflexions sur la statistique et ses abus que l’on peut trouver dans les discours politiques, les médias et les publicités, pour ne nommer que ces milieux fertiles aux manipulations. Par
contre, peu de livres en français ont reçu la mission que ce livre a, soit d’émanciper le lecteur du joug des abus. En effet, la bibliographie de ce livre contient nombre d’oeuvres anglophones comme 200 % of nothing, innumeracy,… ce qui illustre d’ailleurs « l’utilité » de ce livre (2 références mathématiques sur 23 sont en français).
Ainsi, d’après les dires mêmes de l’auteur, il essaie de remplir un vide dans le monde intellectuel francophone. Mais, compte tenu que les mathématiques n’occupent qu’un chapitre sur cinq, on comprend que le livre est plus dans la filiation de contestataires comme Chomsky (qui est d’ailleurs beaucoup mentionné) que de ces vulgarisateurs mathématiques.
En ayant beaucoup parlé récemment avec des professeurs de philosophie, je me rends compte que le premier chapitre, portant sur la philosophie et les abus du langage et de logique que l’on peut contrer, traite de contenus abordés dans des cours d’introduction à la philosophie au cégep. Peut-être, ce qui le distingue ici, c’est son application exclusive à la démystification des déformations manipulatrices des faux raisonnements. À mon sens, il en va de même pour le second chapitre sur les statistiques et les mathématiques. À la place de voir la bonne manière de faire un graphique, on démasque les erreurs de présentation dans divers graphiques publiés dans des ouvrages militants qui faussent nos impressions et qui constituent des manipulations.
Il reste 3 autres chapitres qui traitent respectivement de « l’expérience personnelle », de « la science empirique et expérimentale » et de « les médias ». On devine que le chapitre 4 contient aussi un contenu statistique important, celui-ci portant sur la collecte de données et l’évitement de biais, qu’ils soient d’échantillonnage ou d’analyse.
En somme, j’espère que la visibilité que ce livre a eu dans les médias et la place importante que les mathématiques et les statistiques ont dans ce livre porteront fruit et qu’il nous permette, un jour, en tant que société d’avancer dans le bon sens à la place de nous faire mener par des discours vides de sens. Mais pour qu’il puisse avoir ce rôle, il faudrait que nous l’aidions en faisant prendre conscience aux étudiants (de ceux d’entre nous qui sommes professeurs) de l’importance d’une solide fondation mathématique dans l’analyse, l’interprétation et la critique de l’actualité.
Bonne lecture !
Robert Bilinski
Bulletin de l’Association Mathématique du Québec, octobre 2006