La Presse [en ligne], 14 avril 2011
Livre référence:
Il y a trop d’images
Le curé
Pierre Foglia
On m’a souvent demandé pourquoi un non-croyant avait réalisé cette trilogie sur les vertus théologales, j’ai trouvé la réponse chez Pierre Vadeboncoeur: parce que ces trois vertus – la foi, l’espérance, la charité – traversent la condition humaine et opèrent un renversement des choses. Elles vont à contre-courant, contre le destin, contre l’ordre d’un monde impitoyable et désenchanté. Elles sont subversives.
Nous voilà avertis, c’est un curé qui parle. Un curé non croyant qui, tout au long de son recueil, nomme Dieu autrement, il le nomme engagement, bien commun, responsabilité, liberté (liberté dans la servitude). Il le nomme beauté, bien sûr, et comme il est un peu tordu, c’est un artiste après tout, il le nomme même silence, silence de Dieu, ce qui peut s’entendre, si j’ose dire, absence de Dieu. Trouver Dieu dans l’absence de Dieu? Encore ici la chose est moins tordue qu’elle n’en a l’air, c’est en fait la profession de foi de tous les agnostiques qui, en cela, se croient bien supérieurs aux athées. Ouache, les athées. Bernard Émond, bien sûr, n’est pas athée.
J’ai sacré quelques fois en le lisant, mais je l’ai applaudi plus souvent et commenté fiévreusement dans la marge, et j’ai interrompu ma lecture pour envoyer des courriels à des amis en leur disant: je suis en train de lire Bernard Émond, écoute ça, page 51: «Je n’ai aucune sympathie pour l’idée très québécoise que tout le monde a quelque chose à exprimer»…
Je vous disais qu’il nommait Dieu autrement, le diable aussi évidemment. Il le nomme le tintamarre incessant de la culture de masse dont les troupes de choc colonisent le goût contemporain. Il le nomme aussi le triomphe idéologique du néolibéralisme et l’égoïsme de masse qui l’accompagne.
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