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Détail de la couverture du livre «Devenir fasciste».
11 septembre 2025

« L’extrême droite gagne rarement par elle-même » selon le journaliste Mark Fortier

Dans son livre « Devenir fasciste : ma thérapie de conversion », le journaliste et éditeur québécois Mark Fortier choisi la satire pour aborder la question du délitement de nos démocraties et de l’ascension de l’extrême droite. Il était l’invité de Julie Morelle et Pascal Claude dans Le Monde en direct sur La Première.

 

Un glissement politique vers l’autoritarisme

C’est au déclenchement des élections législatives en France au printemps 2024 que Mark Fortier débute l’écriture de ce livre. Au même moment, les élections présidentielles américaines s’enclenchaient, avec le pressentiment que Donald Trump allait être réélu. « J’avais le sentiment que l’Histoire politique allait s’accélérer, notamment en raison d’une certaine apathie de la population, en Amérique du Nord surtout » confie-t-il.

«Je me suis dit voilà, c’est comme ça que la démocratie se convertit à l’autoritarisme.»

La responsabilité des élites intellectuelles

Il observe des « petites lâchetés » des habitués du pouvoir qui peuvent être tentés par le conformisme : « Les lettrés, les intellectuels qui ont un statut social un peu confortable, peuvent faire le calcul que se taire, attendre que la tempête passe, va être plus économique ou moins risqué pour eux« . C’est actuellement l’attitude de l’establishment du Parti démocrate américain qui se met en retrait en attendant que les républicains « s’autodétruisent« . Mark Fortier y voit une responsabilité, voire une complicité :

«On peut se poser légitimement la question aujourd’hui de savoir si le problème des démocraties libérales occidentales, ce n’est pas d’être devenu tranquillement, inconsciemment, doucement, des démocraties sans démocrates.»

Il est nécessaire pour une démocratie de conserver un enracinement social et des lieux de participation à la vie civique, sinon « on a affaire à une démocratie de façade, reposant uniquement sur des rituels mécaniques comme les élections« . C’est ce contexte qui prépare le lit de la montée du fascisme. Ce qui fait dire à Mark Fortier que « l’extrême droite gagne rarement par elle-même« .

Une question de langage

Mark Fortier constate qu’avec le temps, le vocabulaire pour qualifier les partis d’extrême droite s’adoucit et que peu à peu, les mots se vident de leur sens. Il prend pour exemple le journaliste français David Pujadas qui parle du Rassemblement National comme d’un parti « qualifié » d’extrême droite. Ce glissement sémantique nous fait peu à peu oublier que le RN reste un parti fondamentalement autoritaire, malgré des « changements cosmétiques » entre les méthodes de Jean-Marie et Marine Le Pen.

L’auteur s’inquiète de cette destruction massive du langage : « un des mécanismes les plus fondamentaux, un des rouages les plus importants de la montée de l’extrême droite« . Pour lui, « la technocratie libérale ordinaire » représentée par les firmes de marketing, l’état dans ses formulaires, les firmes de consultants, ont largement contribué à détruire le langage en le vidant de son sens. Face « au langage creux de la technocratie« , les discours très simples et spontanés de figures comme Trump ou de Bolsonaro apparaissent efficaces et vrais car non associés à l’élite libérale.

Comment lutter contre l’extrême droite ?

Une des pistes de lutte proposée par Mark Fortier comme forme d’antidote au fascisme repose sur l’amitié, un autre mot pour parler de solidarité. L’extrême droite se détermine par la désignation d’un ennemi, par l’hostilité.

« Le principe même de la démocratie, c’est la solidarité et la capacité à ne pas être d’accord » sans pour autant être hostile défend l’auteur et journaliste. « On peut trouver légitime la prise de position d’un ami, avec laquelle nous ne sommes pas en accord« . La démocratie passe par le dialogue et l’altérité. « Il faut entendre l’amitié au sens large. S’il n’y a pas de lien social, s’il n’y a pas de lieu de socialité, alors on est dans un monde atomisé où l’isolement prédomine. C’est là que la peur et les formes de violence politique vont pouvoir s’installer« .


Pauline Rivière, RTBF, 11 septembre 2025.

Lisez l’original et visionnez l’entretien ici.

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