C’est une histoire méconnue, où se retrouvent deux fléaux du XX^e siècle qui perdurent en 2025, le sida et la Françafrique, que le sociologue Pierre-Marie David met en lumière dans ce petit ouvrage de la collection « Dossiers noirs » (pilotée par l’association Survie). Lancée à la fin des années 1980 par des scientifiques de l’Institut Pasteur en Centrafrique, là où la pandémie fait des ravages et où la France fait et défait les présidents, l’« opération Bangui » consiste à prélever — dans le plus grand secret et sans leur consentement — le sang de militaires centrafricains et de prostituées afin de définir les taux d’infection et de caractériser le virus. Cette recherche doit alors préparer le terrain à un essai clinique susceptible de déboucher rapidement sur un vaccin. Les cobayes africains contribuent à ce qui devait bénéficier principalement, in fine, aux populations du Nord et à l’industrie pharmaceutique. Ce projet d’« extractivisme biomédical » n’a abouti à aucun résultat. Mais il a probablement nourri la méfiance vis-à-vis des traitements, parfois expérimentés sur le continent africain hors de tout cadre éthique.