
Le monde est une poubelle et on devrait avoir honte!
Chaque canicule nous renvoie en plein nez ses relents d’odeurs nauséabondes. Nos poubelles puent d’une puanteur à peine supportable. Le jus de vidange coule entre les craques des trottoirs, comme le sang dans nos veines. Nos restants de bouffe empestent des quartiers entiers.
Les chaleurs intenses n’ont pas fini de nous pourrir l’air. Il fera de plus en plus chaud, disent les experts. La gestion de nos déchets va devenir un enjeu encore plus senti. Ici comme ailleurs, on se demande ce qu’on va faire de toutes nos ordures. Déjà que les villes ne les ramassent plus à la même fréquence. On les empile, on les enterre, on les brûle? Avant, on les envoyait en Chine, mais elle n’en veut plus, alors on se débrouille comme on peut pour ne plus voir ces odieuses immondices. On fait comme s’ils n’existaient pas. Comme si nos excès ne laissaient aucun résidu désagréable. C’est faux.
Le monde est sale
L’humain est un malpropre qui se fout du tas de cochonneries qu’il génère. Au bord du fleuve, vers l’Everest ou dans l’espace, on est incapable de ne pas laisser de trace jetable. Ça m’a frappé cet été alors que je me promenais au cœur des Pouilles italiennes. De chaque côté de la route bordée de champs d’oliviers, des sacs de poubelle, comme ceux que nous avons bannis de nos épiceries, jonchent le sol rocailleux. Des centaines de sacs ballottés par le vent chaud. Drette là, sur le bord de la route. Un amas de détritus qui gâche la beauté des lieux. On dirait qu’ils ont été lancés d’une voiture. C’est le cas, me dit-on.
Remarquez, pas besoin d’aller si loin pour trouver des sans-gêne qui n’hésitent pas à baisser leur vitre pour garrocher leurs poubelles à bout de bras. Le Québec compte son lot de paresseux qui remplissent le fossé de matières qui devraient être apportées au centre de tri.
Respect pour les éboueurs
C’est vrai que nous entretenons avec nos déchets un rapport amour-haine. Nous sommes tous comme Pôpa de La petite vie, un peu obnubilé par le sac noir, le bac bleu et désormais le bac brun. Nous déversons sur le trottoir les méfaits de notre surconsommation. Après, nous surveillons les camions de poubelles, de recyclage et de compost comme si notre vie en dépendait. Hantés par notre propre «marde».
Le sociologue Simon Paré-Poupart, vidangeur «par choix» qui court «derrière les trucks» depuis 20 ans, a charrié plus de 70 000 tonnes de déchets. Dans son Journal d’un vidangeur, il explique qu’il «ramasse jour après jour les résidus de la civilisation la plus polluante de l’histoire de l’humanité. «Nous effaçons les taches de la société de consommation. Nous contribuons dans l’ombre à faire tenir cette société en place, à nous assurer que tout ne s’écoule pas, pour l’instant. Cessez de croire que vos ordures disparaissent par magie, Rien. Rien ne disparait par magie.»
Lisez son essai. Vous ne verrez plus jamais vos déchets de la même façon.
Isabelle Maréchal, Le Journal de Montréal, 15 août 2025.
Lisez l’original ici.