ACTUALITÉS

Détail de la couverture du livre «Je m'appelle Révolution».
23 janvier 2025

Lucy Parsons, révolutionnaire

Lucy Parsons : ce nom ne vous dira sans doute rien. Grâce à « Je m’appelle révolution », anthologie de textes coordonnée par Francis Dupuis-Déri, nous en savons désormais un peu plus sur cette révolutionnaire nord-américaine née au Texas en 1853…

 

Lucy Parsons : ce nom ne vous dira sans doute rien. Grâce à Je m’appelle révolution. Ecrits et paroles d’une éternelle agitatrice, anthologie de textes coordonnée par Francis Dupuis-Déri pour le compte des éditions Lux, nous en savons désormais un peu plus sur cette révolutionnaire nord-américaine née au Texas en 1853 et morte dans l’incendie de sa maison à 89 ans.

Lucy Parsons, née esclave ou métis mexicano-indienne, commença à militer avec son mari, le typographe libertaire Albert Parsons, à la fin des années 1870. Elle était là quand éclata la grande grève pour les huit-heures qui secoua Chicago en 1886 et mena son époux à la potence un an plus tard1. Ce drame aurait pu l’éloigner de la vie militante : il n’en fut rien. Jusqu’à ses soixante ans, elle continua son labeur de propagandiste, de « prêtresse de l’anarchie ». Jusqu’à sa mort, malgré la vieillesse et la cécité, elle s’intéressa aux mouvements sociaux. Puisque « la classe capitaliste a semé le vent, elle récoltera la tempête ».

Son arme : un langage simple, clair, qui parle au coeur (« J’ai des yeux pour voir la misère et des oreilles pour entendre le cri des désespérés et des malheureux de la terre »). Dans son viseur : la violence du système capitaliste et l’injustice sociale, la condition féminine et les politiciens américains ; mais curieusement, elle écrit fort peu sur la situation subie par les Afro-Américains au pays de la liberté : tout juste les appelle-t-elle à s’émanciper de la tutelle des politiciens et des religieux, à se mêler aux luttes sociales et à répondre par la violence à ceux qui les agressent.

Lucy Parsons n’est pas une théoricienne, et très rares sont les textes proposés ici qui évoquent le paradis à bâtir sans tarder pour s’émanciper de l’État et des patrons ; et dans ses textes, cette grande lectrice ne cite aucun penseur libertaire de renom. Syndicaliste-révolutionnaire, c’est en prolétaire qu’elle parle et agit, persuadée que l’anarchisme, par sa défense intransigeante de la liberté, a trouvé aux Etats-Unis sa terre d’élection.

Lucy Parsons n’a rien d’une boutefeu. Elle est persuadée qu’un « long processus d’éducation doit précéder toute transformation fondamentale de la société », tout en ayant une profonde confiance dans la capacité des individus à se prendre en charge eux-mêmes : « Laissez l’être humain ressentir l’effet revigorant de la responsabilité assumée et de la maîtrise de soi », écrit-elle. De la même façon, elle refuse le sectarisme et les guerres intestines : « Jamais je ne refuserais de collaborer avec des gens parce que je suis en désaccord avec eux », affirme-t-elle lors du congrès de fondation en 1905 des IWW, organisation rassemblant des syndicats animés par des anarchistes et des socialistes révolutionnaires et au sein de laquelle la participation à la démocratie bourgeoise sera l’un des débats centraux.

A la fin de sa vie, cette battante se désole de l’état groupusculaire du mouvement anarchiste et de son incapacité à parler aux masses. Elle considère l’anarchisme dépassé ; quant au socialisme, il est « dans le creux de la vague ». « Nous vivons des temps bien étranges », écrit-elle en ce mois de février 1934. Trois ans plus tard, le mouvement ouvrier américain, s’appuyant sur le New Deal rooseveltien, multipliait grèves sauvages et occupations…

 

1 Sur les martyrs de Chicago, je vous renvoie à la lecture de Martin Cennevitz, Haymarket. Récit des origines du 1er mai, Lux, 2023.


Christophe Patillon, Mediapart, 23 janvier 2025.

Lisez l’original ici.

Écoutez ici une version audio.

Inscrivez-vous à notre infolettre

infolettre

Conception du site Web par

logo Webcolours

Webcolours.ca | © 2025 Lux éditeur - Tous droits réservés.