Un bouquin des plus utiles
Le « Petit cours d’autodéfense intellectuelle » de Normand Baillargeon est un bouquin des plus utiles pour bien se défendre intellectuellement dans notre monde du chacun pour soi. C’est un guide, on l’a souvent suggéré depuis sa première édition en 2005, qui devrait être enseigné dans toutes les écoles du Québec et du Canada, mais aussi selon moi — vous excuserez mon enthousiasme — dans bien d’autres pays dans le monde. Sa popularité n’a pas dérougi depuis lors, surtout au Québec : il vous suffira de visiter le site Web de votre bibliothèque municipale pour vous en convaincre. Le livre fait un survol des principaux outils que devrait maîtriser toute personne critique : le langage, la logique, la rhétorique, les nombres, les probabilités, la statistique et d’autres encore — outils qui sont ensuite appliqués à la justification des croyances dans trois domaines cruciaux : l’expérience personnelle, la science et les médias. Ne vous laissez pas effrayer… Ce grand intellectuel qu’est Normand Baillargeon est aussi un excellent vulgarisateur, et ce livre est d’une lecture facile et très agréable. Vous en sortirez grandis !
Extrait :
Dans une large mesure, le discours et l’écriture politiques consistent, à notre époque, à défendre l’indéfendable. Certes, des choses comme la perpétuation de la domination anglaise en Inde, les purges et les déportations en Russie, le largage de bombes atomiques sur le Japon peuvent être défendues : mais elles ne peuvent l’être que par des arguments si brutaux que peu de gens pourraient les regarder en face. De toute façon, ces arguments ne cadrent pas avec les objectifs que disent poursuivre les partis politiques. C’est pourquoi le langage politique doit pour l’essentiel être constitué d’euphémismes, de pseudobanalités et de vaporeuses ambiguïtés. Des villages sont-ils bombardés depuis les airs, leurs habitants forcés de fuir vers la campagne, leurs troupeaux passés à la mitrailleuse, leurs huttes brûlées avec des balles incendiaires ? Cela s’appellera pacification. Vole-t-on leurs fermes à des millions de paysans qui doivent dès lors fuir sur les routes en n’emportant avec eux que ce qu’ils pourront porter ? Cela s’appellera transfert de population ou reconfiguration des frontières. Des gens sont-ils emprisonnés des années durant sans avoir subi de procès ? D’autres reçoivent-ils une balle dans la nuque ou sont-ils envoyés mourir du scorbut dans des camps de planche en Arctique ? Cela s’appelle suppression d’éléments indésirables.
Bruno Marquis, Presse-toi à gauche, 25 novembre 2024.
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