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4 octobre 2007

Plus qu’une biographie, le Bourgault de Jean-François Nadeau retrace l’histoire de la pensée indépendantiste québécoise.

Regorgeant de faits historiques rigoureusement énoncés comme d’anecdotes aussi futiles que captivantes, le livre de Jean-François Nadeau sur Pierre Bourgault embrasse le genre biographique sans hésiter à empiéter sur les territoires de l’essai et du style journalistique au « je ». Si les amateurs de biographies retraçant pas à pas la vie intime d’une personnalité publique afin de mieux comprendre son oeuvre ou son action pourraient être déçus, ceux qui, comme moi, préfèrent saisir l’humain à travers l’observation scrupuleuse des gestes publics seront ravis.Par le biais d’enquêtes, de recherches et de connaissances, Jean-François Nadeau analyse finalement la pensée de Pierre Bourgault en traquant son évolution au fil des rencontres déterminantes privées qu’il a faites et de ses apparitions publiques. Plus que la biographie d’un homme, c’est sinon la naissance, du moins l’organisation et la mise en forme et en actions du mouvement souverainiste dont on tente de retracer l’histoire. Il faut dire que Nadeau, qu’on connaît mieux comme directeur des pages culturelles du Devoir depuis 2002, est d’abord un historien et un politologue. Aussi, son passage dans le milieu de l’édition – il a, entre autres, été directeur littéraire à l’Hexagone comme il a fondé les éditions Comeau-Nadeau avec l’historien et ex-felquiste Robert Comeau, qui dirige d’ailleurs la collection « Histoire politique » dans laquelle s’inscrit cette bio – lui a permis d’avoir très tôt (il est né en 1969) un contact privilégié avec différents acteurs importants des scènes culturelle et politique, scènes dont est issu Bourgault.

Le livre a pour colonne vertébrale non seulement une forte connaissance des développements politiques et sociaux qui jalonnent notre histoire, mais surtout, de nombreux témoignages que le biographe s’amuse à croiser. Aussi, certains des 18 chapitres comportent pas moins de 100 notes qui prouvent le sérieux de la démarche. Si les récits des gens qui ont sillonné l’existence de Bourgault diffèrent parfois de l’un à l’autre, les faits et les paroles publiques, de même que les souvenirs colligés, permettent de dessiner une figure assez juste du cheminement du polémiste.

La mémoire de ce dernier, d’ailleurs, semble souvent celle sur laquelle on doit le moins compter tant ses dires apparaissent difficiles à vérifier. Mais si le biographe est loin d’être complaisant envers son sujet, il sait démontrer l’apport de celui-ci à la société comme faire ressortir l’aspect charismatique et magnétisant de l’homme que l’on considère habituellement comme l’un des plus grands orateurs du pays. Si les chapitres sur les différents types de nationalismes et sur la fondation et l’élaboration du RIN sont particulièrement intéressants, c’est qu’on sent et comprend mieux la mission de Bourgault, ainsi que sa contribution. Mais la biographie ne se limite pas aux aspects de la vie politique de l’homme, on le suit dans ses rapports familiaux, ses amours, comme on retrace son parcours journalistique, de comédien et de parolier.

De son enfance en Estrie, en passant par son adolescence au collège Jean-de-Brébeuf, ses pérégrinations parisiennes, son militantisme ou l’enseignement, le livre cerne bien l’importance de l’homme dans la Révolution tranquille et dans son siècle. C’est qu’à l’instar de son biographe, Bourgault s’intéressait à tout, et il est parvenu, en tant qu’intellectuel, à œuvrer sur la place publique, « avec les siens », ajouterait Miron, ce qui n’est pas rien.

Stéphane Despatie
Voir, 4 octobre 2007

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