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22 novembre 2008

Desjardins en alexandrins

Présenté à quelques occasions pour agrémenter un spectacle, et plus particulièrement au festival Voix d’Amériques il y a deux ans, le monologue Aliénor de Richard Desjardins est immortalisé sur papier par Lux Éditeur. Genèse d’un petit livre aussi beau qu’étrange.

Richard Desjardins nous surprend toujours. Chansonnier, musicien, poète, documentariste, on ne sait jamais par quelle voie sa parole va nous atteindre. C’est avec beaucoup de discrétion qu’il publie ces jours-ci Aliénor, une « chanson de geste » écrite en 2000 à Toulouse, il ne sait trop par quel miracle d’inspiration, et lue quand l’occasion s’y prêtait. Il aime raconter cette anecdote, lire Aliénor pour étirer un spectacle dans le but d’aider une salle qui devait vendre un peu plus de bière pour faire ses frais… « On peut monter ça en dedans de deux ou trois heures, avec des planches de plywood et je peux m’habiller n’importe comment, en tenant un bâton », explique-t-il avec la simplicité qu’on lui connaît.

Nous lui avons parlé au téléphone peu de temps après l’élection de Stephen Harper, juste avant son départ pour la Suisse, où il allait chanter pour le 25e anniversaire de Médecins du Monde. Outre le lancement de ce livre, il soutient n’avoir que peu de choses à son horaire cette année, qu’il souhaite tranquille, et voyage surtout pour présenter son documentaire Le Peuple invisible sur les peuples autochtones, qui, il faut le dire, a été moins populaire que L’Erreur boréale.

Aliénor, c’est Aliénor d’Aquitaine. Reine de France, puis d’Angleterre au XIIe siècle, personnage de femme fabuleux et diablement audacieux en son temps. Inspirant pour le petit gars de l’Abitibi qui faisait des liens entre son prénom et celui de Richard Coeur de lion, le fils préféré d’Aliénor. Dans son texte, Desjardins a créé le personnage de Gauthier sans Avoir, « pauvre comme du sel », un paysan ruiné par les folies de la cour d’Aliénor, qu’il finit par veiller sur son lit de mort, en déversant sur elle l’histoire de sa vie, liée à elle, mêlée de haine et de fascination. Et tout cela en alexandrins….

«C’est la nuit. Cent nonnes dorment en l’abbaye.
Seul d’homme. Et je suis le gardien de votre corps,
accomplissant ainsi le rêve de ma vie.
Vous voir mourir sous mes propres yeux, Aliénor.»

L’invention de Gauthier sans Avoir n’est pas la seule liberté que s’est permise Richard Desjardins dans l’écriture de son monologue. Il ne s’est pas gêné non plus pour jouer avec certains faits et la langue. « Quand on m’a dit qu’on allait le publier, j’y suis allé avec plus de nuances. Je l’avais foutu dans la prison de Londres… Je me suis remis sur le texte un peu plus et j’ai eu une belle leçon de syntaxe et de grammaire. » Desjardins porte une affection particulière à la vieille langue française, la rugueuse, la rustre, dont on oublie trop souvent les origines vulgaires. « C’est une langue terre-à-terre, il n’y a pas un mot de trop. J’aime ben ça parce que même pour nous autres les Québécois, il y a beaucoup de termes qu’on a éliminés à la longue. Comme le mot “abriller”, qui n’existe plus dans les dictionnaires. Ça existait avant. »

C’est à l’invitation de l’éditeur Claude Rioux de chez Lux, un ami de Desjardins, qui l’a entendu réciter Aliénor au Festival Voix d’Amériques, que le projet du livre est né. Un beau livre dont tous les quatrains, à chaque page, sont illustrés par un dessin de l’artiste Shrü. « Nous sommes habitués au côté polyvalent de Richard Desjardins, note Claude Rioux. L’écrivain, le poète, on le connaît par les chansons, mais il faut absolument le connaître aussi par le texte. On reconnaît là-dedans son style très direct, un peu violent même. » L’éditeur prévoit même un lancement en France pour l’automne 2009.
Chantal Guy, La Presse, 22 novembre 2008

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