Soutenons le personnel mis à pied du CJF
Solidarité avec le personnel mis à pied du Centre justice et foi !
Nous avons appris avec stupeur la suspension des activités du Centre justice et foi (CJF), incluant celles de la revue Relations, et la mise à pied cavalière de son personnel pour une durée indéterminée, sur décision de son conseil d’administration. (Lire à ce sujet «La revue “Relations” stoppée par son CA».)
Nous, qui apprécions et/ou collaborons et participons à divers titres aux activités du CJF, nous des milieux religieux, universitaire, artistique, communautaire, médiatique, littéraire, syndical et autres, signons cette déclaration en solidarité avec les employé·es mis à pied sans justification valable, qui n’ont eu que deux jours d’avis.
Cette mise à pied consternante, même si elle se révélait temporaire, heurte de front les principes de justice sociale et l’esprit de concertation et de solidarité du CJF. La confiance de nombreux partenaires en la stabilité du CJF et de Relations depuis des décennies est ébranlée. Des financements actuels et futurs, ainsi que la campagne de financement qui était en cours, sont mis en péril, cela alors même qu’on évoque des difficultés budgétaires parmi les facteurs justifiant la suspension des activités. Toute une expertise et une mémoire organisationnelle risquent d’être sacrifiées, puisque les personnes mises à pied, ne pouvant compter uniquement sur l’assurance-emploi, doivent se trouver un autre emploi «temporairement». Qu’on ose parler d’un processus sans heurt pour les employé·es, dans le communiqué officiel émanant du CJF publié sur le site Web, est scandaleux.
En solidarité avec la revue Relations, nous signons.
L’interruption abrupte, même temporaire, de la production et de la commercialisation de la revue Relations la met gravement en danger, à court terme, nous le dénonçons vivement! Récipiendaire de nombreux prix d’excellence, Relations est un foyer intellectuel important dans le paysage médiatique et culturel du Québec, un carrefour de voix diversifiées et engagées, d’ici et d’ailleurs. Elle est unique en son genre. Nous apprécions entre autres la place qu’elle fait aux artistes et ses dossiers thématiques, souvent à l’avant-garde sur plusieurs sujets (décroissance, racisme, technosciences, entre autres). La publication de la revue n’avait jamais été interrompue depuis 83 ans et 824 numéros. Les jésuites progressistes qui l’ont fondée y verraient sans doute un sacrilège, commis de surcroît dans l’improvisation la plus totale, l’opacité et l’ignorance des exigences de sa production et de sa commercialisation – plusieurs d’entre nous, collaborateurs, collaboratrices ou partenaires d’aujourd’hui, pouvons en témoigner. Un tel affaiblissement provoqué nous consterne, et doit être freiné sans tarder. Nous n’osons penser que Relations pourrait avoir publié son dernier numéro, sans le savoir, sans dire au revoir à son lectorat et à ses nombreux abonné·es. C’est une possibilité inadmissible!
En solidarité avec le secteur Vivre Ensemble (VE) du CJF, nous signons.
L’interruption des activités du Centre, même temporaire, nuit aussi grandement à ce secteur dynamique estimé depuis plus de 40 ans par un grand nombre de citoyen·nes, d’allié·es et de partenaires. VE apporte des réflexions essentielles sur des enjeux cruciaux liés à l’immigration et au pluralisme croissant au Québec, à une société dite démocratique qui dénie pourtant souvent des droits et un vrai statut de citoyen·ne à de trop nombreuses personnes, racisées, minorisées, exploitées. Le secteur Vivre ensemble travaille avec ces personnes et porte leur voix dans plusieurs milieux – universitaire, communautaire, religieux, etc. Comme toutes les composantes du CJF, il explore les causes profondes des réalités sociales, pas uniquement les symptômes, cherchant à comprendre et à analyser les enjeux dans toute leur complexité, en créant des solidarités, plutôt qu’à polariser les débats bêtement comme on le voit trop souvent. De cela, le Québec a bien besoin.
En solidarité avec le volet sur l’avenir du christianisme social du CJF, nous signons.
L’interruption des activités du CJF, même temporaire, vient freiner tout un élan. Dans un contexte de déclin des forces qui ont façonné l’héritage social de l’Église catholique au Québec – un héritage souvent méconnu et auquel les jésuites et le CJF ont contribué –, les responsables de ce volet ont su construire patiemment des ponts, depuis 2018, entre différentes générations de chrétien·nes socialement engagé·es. Ces personnes mettent en valeur et font découvrir cet héritage social, oeuvrant à garder vivant et inspirant un pôle précieux du christianisme, essentiel lorsqu’on conçoit la foi comme étant indissociable de la justice. Elles réussissent à aller à la rencontre et à rassembler des personnes, souvent des jeunes marqué·es par une culture individualiste et consumériste dominante, qui étaient isolées dans leur quête spirituelle et d’engagement.
En solidarité avec le Centre justice et foi tel que nous le connaissions jusqu’ici, nous signons.
Des difficultés et des défis exigeants, bien d’autres organismes en connaissent. Sauraient-ils vraiment justifier une suspension des activités et des mises à pied faites de manière si abrupte et si lourde de conséquences – pour l’avenir du CJF, pour les employé·es, et pour plusieurs d’entre nous aussi? Nous en doutons sérieusement, d’autant que des solutions ont été de facto écartées.
Le Centre justice et foi et Relations méritent mieux que d’être traités comme un banal programme qu’on interrompt et qui va revenir après «la pause». Encore plus lorsque ladite «pause» compromet, par ses graves conséquences, la possibilité même d’une reprise. Solidarité avec le personnel mis à pied du Centre justice et foi !