Nouveau livre sur Adrien Arcand, le nazi canadien
MONTRÉAL – Une biographie de l’ex-nazi canadien Adrien Arcand, une figure trouble et méconnue de notre histoire, sera publiée le 1er avril par l’historien Jean-François Nadeau. Adrien Arcand, führer canadien raconte la vie du leader historique de l’extrême droite canadienne.
Surnommé le führer, il a fondé et dirigé dans les années 30 le Parti national social chrétien, un parti nazi dont les milices arboraient fièrement la croix gammée, puis le Parti de l’Unité nationale, fruit du regroupement de plusieurs groupes d’extrême droite de partout au Canada. Adrien Arcand est demeuré politiquement très actif jusqu’à sa mort à Lanoraie en 1967.
La vie d’Adrien Arcand, un personnage méconnu de l’histoire québécoise, a été étudiée à fond par Jean-François Nadeau, qui est également directeur des pages culturelles du journal Le Devoir. À titre d’historien, il s’intéresse depuis 1994 à l’histoire intellectuelle et politique de l’extrême droite au Canada.
Comme dans son livre précédent, consacré à Robert Rumilly l’homme de Duplessis, Nadeau analyse dans Adrien Arcand, führer canadien l’univers de l’extrême droite au Canada. L’auteur considère que ces années, où fleurit l’extrémisme, sont une période charnière pour comprendre ces mouvements qui exploitent les côtés les plus sombres de l’être humain.
On ne sait pas grand-chose sur ce personnage qu’est Adrien Arcand, mais Jean-François Nadeau a tenté d’en découvrir davantage, en explorant notamment ses relations avec les États-Unis (il va prononcer des discours à New York, notamment devant une foule de plusieurs milliers de personnes) et, surtout avec l’Angleterre, où vivent la plupart de ses sources d’inspiration.
Le livre de Jean-François Nadeau montre que l’ex-premier ministre canadien Pierre Elliot Trudeau – alors étudiant en droit à Londres – a défendu Arcand avec sa plume juste après la Deuxième Guerre mondiale, en disant que le gouvernement canadien exagérait et avait posé un geste ignoble envers lui.
Arcand avait été emprisonné sans procès dans un camp de concentration en raison de l’application de la Loi des mesures de guerre au Canada, la même loi qui sera utilisée par Pierre-Elliot Trudeau en 1970 contre le FLQ au Québec. Le livre indique aussi que, dans les années 1930, le premier ministre Mackenzie King et le premier ministre Richard Bedford Bennett vont s’intéresser à Arcand, en particulier le premier ministre Bennett qui va obtenir un appui électoral d’Arcand pour ses députés conservateurs au Québec.
Le parti d’Adrien Arcand a été interdit après le début de la Seconde Guerre mondiale. Arcand a été arrêté, avec plusieurs de ses lieutenants et militants le même jour où, en Angleterre comme partout dans l’Empire britannique, on a procédé à l’arrestation de gens qui professaient des idées semblables. Mais, avant, le parti était toléré, voire encouragé, parce qu’il rendait service à plusieurs hommes politiques et à des hommes d’affaires en place, ce dont le livre traite en détail.
Par ailleurs, Arcand a eu des liens avec un proche collaborateur d’Hitler, Kurt Ludecke, venu spécialement à Montréal pour le rencontrer. Il a aussi entretenu des liens avec des nazis allemands, comme le redoutable Julius Streicher, responsable d’une des feuilles les plus antisémites du régime d’Hitler. Mais les maîtres à penser d’Arcand étaient surtout anglais. Il existe alors dans l’empire britannique un modèle anti-démocratique mis de l’avant par des hommes comme Lord Sydenham, Barry Domville, Arnold Leese, Henry Hamilton Beamish, et Sir Oswald Mosley, père de l’actuel magnat de la Formule 1.
Arcand est très anglais, précise l’ouvrage. Il a dirigé sa garde personnelle en anglais et s’est reconnu à fond dans la monarchie britannique et ses symboles. Il a aussi entretenu des liens avec une multitude de petits dictateurs en herbe, un peu partout à travers le monde. Il ne s’est pas inventé pas tout seul, raconte le livre, mais a participé bel et bien à un courant porteur pour le fascisme dans les années 1930.
La biographie indique aussi qu’Arcand a continué sa carrière d’extrémiste après la Deuxième Guerre mondiale et que son influence sur ces courants de pensée à l’échelle internationale est méconnue, mais pourtant fort importante.
Six capsules vidéo qui présentent le contenu du livre seront rendues publiques d’ici le 31 mars sur Facebook pour explorer les révélations du livre sur Arcand. Certaines sont déjà en ligne.
L’auteur, Jean-François Nadeau, a connu un grand succès avec sa biographie de Pierre Bourgault, la première consacrée à ce personnage. À l’automne 2009, il a publié Robert Rumilly, l’homme de Duplessis, qui raconte la vie de ce grand intellectuel québécois sous le régime de Maurice Duplessis. Rumilly est connu aussi pour avoir fait venir des criminels de guerre au Québec, dont plusieurs étaient sympathiques aux nazis.