Présentement, la plupart des gens qui commentent son livre, que ce soit dans les médias ou sur les réseaux sociaux, n’ont visiblement pas lu le livre et se fient, au mieux, à son passage à Tout le monde en parle, au pire, que sur les statuts Facebook de l’un ou de l’autre.
Par exemple, je suis tombé par hasard sur RDI, lundi en fin d’après-midi. Parmi les sujets commentés par le panel, le livre de Catherine Dorion. Dans ce panel, Rodolphe Husny, ex-conseiller du gouvernement Harper qui commente maintenant l’actualité dans plusieurs médias, sous-entend que l’ex-députée n’a pas la crédibilité pour raconter son expérience en politique parce qu’elle n’aurait laissé aucun legs pendant son mandat, sauf celui d’avoir porté un coton ouaté au parlement. C’était assez condescendant merci.
Son passage au parlement dépasse largement des histoires de linge.
C’était l’illustration parfaite de ce que critique Catherine Dorion dans son livre. De cette machine de l’opinion qui empêche trop souvent de parler des vrais enjeux et qui encourage la langue de bois. Tout en lui attribuant la responsabilité du cirque médiatique.
Les partis politiques ont été caves de monter en scandale les vêtements de Catherine Dorion, mais on peut, tristement, mettre ça dans la stratégique politique. Les médias aussi ont été caves de donner autant d’attention à ces histoires. Catherine Dorion a raison d’être troublée par ces éclipses médiatiques.
Pas besoin de me souligner que j’y participe en ce moment avec cette chronique. Je crois néanmoins qu’il faut souligner l’ironie de la situation.
Le défi de la gauche
D’ailleurs, Catherine Dorion ne parle pas que des médias. Comme elle ne parle pas tant que ça de Gabriel Nadeau-Dubois. On pourrait croire, selon certains commentaires, que le livre est une charge contre le co-porte-parole de Québec solidaire, mais sur les 364 pages, il n’y a peut-être qu’une trentaine, voire une quarantaine de pages sur GND.
Le capitalisme se fait bien plus ramasser que l’ex-porte-parole de la grève étudiante.
Le cœur du livre n’est pas une critique de Québec solidaire, mais plutôt sur le défi de changer les choses en passant par la politique institutionnelle. Elle a tenté de le faire avec Québec solidaire, mais si elle avait été élue avec un autre parti, ça aurait surement été les mêmes critiques.
D’ailleurs, elle cite quelques fois Lise Payette qui a écrit des remarques similaires sur son expérience comme députée péquiste à l’Assemblée nationale, un lieu où les rouages facilitent davantage le statu quo que le changement.
Elle ne parle pas si souvent de ses aventures vestimentaires dans son livre, mais cet enjeu représente quand même la difficulté de faire une place à la différence. Toutes ces personnes qui trouvent ça puéril qu’elle ait voulu se tenir debout en refusant d’adopter un look dans lequel elle ne sent pas bien, j’aurais envie de répondre que si c’est si peu important, alors pourquoi ne pas l’avoir laissé siéger en t-shirt ou en coton ouaté?
Quand un truc aussi banal frappe un mur aussi grand, imaginez comment proposer de nouvelles idées politiques doit être dur. Alors qu’on l’appelle la Maison du peuple, l’Assemblée nationale fait difficilement une place à tout ce qui sort de la norme.
Est-ce que Québec solidaire – ou tout autre parti voulant changer le système – peut réellement brasser la politique tout en devant s’intégrer à l’institution? C’est ça en fait la grande question de fond de Catherine Dorion.
Ça fait quelques années que ce qu’il manque à Québec solidaire est un large mouvement citoyen indépendant de la joute politique. Québec solidaire essaie de concilier les deux – les urnes et la rue –, mais c’est une position difficilement fonctionnelle, comme le démontre les perpétuelles tensions entre l’aile parlementaire et les membres du parti.
Un mouvement populaire peut être plus revendicateur et plus ferme dans ses positions – la politique parlementaire exige souvent des compromis. QS a tout à gagner que ces valeurs se répandent au-delà du parti. Comme le mouvement souverainiste dépassait de loin les actions du Parti québécois lors des référendums.
Une mobilisation qui inspire et qui brasse la cage – comme Catherine Dorion sait si bien le faire. Un mouvement qui rassemble et donne espoir. Punk ou non.
Le parti avait en partie réussi ça pendant la campagne de 2018. Justement grâce à la présence de candidatures comme Catherine Dorion qui proposait une mobilisation non conventionnelle. Et ça marchait. Dans ma carrière, j’ai rarement vu une campagne mobiliser autant de citoyens et citoyennes. La fébrilité était vraiment particulière. Cette étincelle, elle n’était pas là en 2022.
Peut-être que, pour toutes ces raisons, sa place n’est pas au parlement. D’ailleurs, la lecture de son essai Les luttes fécondes, publié un an avant la campagne de 2018, donnait déjà des indices que devenir députée serait une épreuve pour elle. Mais c’est dommage.
C’est dommage parce que si, par sa différence, Catherine Dorion n’a pas sa place à l’Assemblée nationale, ça sous-entend que bien du monde n’y a pas sa place. Et ça, c’est un profond échec de démocratie.