Un livre cinglant à l’égard du despotisme
Ce petit livre s’avère cinglant à l’égard du despotisme et des raisons invoquées pour emprisonner la très grande majorité des personnes qui le sont. Effacer quelqu’un du paysage humain, doit-on le rappeler, implique des coûts astronomiques et génère le plus souvent des effets pervers qui enfonceront encore plus la personne dans une spirale sans fin… Mais là n’est pas le principal objet de cette savoureuse plaquette de Jules Fournier (1884-1918), journaliste polémiste qui signa un article intitulé «La prostitution de la justice» qui accusait vertement deux ex-organisateurs du Parti libéral devenus juges de… partialité. La farce devient grossière tandis que le premier ministre du Québec, Lomer Gouin, ordonne que le scribouillard soit traduit en justice. En effet, ce sera devant nul autre que l’un des deux juges visés par l’article incriminé: François Langelier!!! Sans surprise, le pitre le condamnera à trois mois de détention à la prison de Québec. Le journaliste ainsi incarcéré trouvera matière à ce pamphlet qu’il adresse au régime en place, mais tout autant, en connaissance de cause, contre la situation faite aux détenus. L’Histoire ne trouve pas toujours chaussure à sa bêtise; ici, au contraire, «l’humour mordant et la dérision cinglante» de Fournier se retournent contre elle avec un aplomb absolument jouissif.
Valentin Tardi, À Babord!, no 95, printemps 2023.