Québec: la culture du «char»
OPINION. Mot québécois désignant la « bagnole », le « char » est devenu un véritable symbole politique et un révélateur sociologique. La culture du char, une version québécoise des Gilets jaunes ? Pas vraiment.
Depuis l’avènement des multiples plateformes du web, dont Facebook, qui ont littéralement phagocyté la manne publicitaire, les médias traditionnels ont connu une grave crise existentielle et certains sont tombés au combat. Ce qui s’explique, notamment, par les algorithmes qui permettaient de cibler des segments de population avec une précision chirurgicale.
Face à cet état de fait, et pour reprendre un mot à la mode, certaines radios privées ont su se « réinventer » en élaborant un modèle d’affaires venu du sud de la frontière. Lequel reposait sur les deux grands axes que sont « la diminution des coûts de production de contenu et l’offre aux commanditaires d’un auditoire précis », comme l’indiquait la journaliste et sociologue Dominique Payette dans son essai Les brutes et la punaise (Lux, 2019). Résultat ? Une culture de la confrontation, qui ne nécessitait qu’un animateur fort en gueule et une indignation diffuse, propre à toute société, à canaliser, fut mise en place.
Pourquoi ? Parce qu’il est beaucoup moins onéreux, comme on le devine, de payer un seul animateur, fût-il une vedette, que de maintenir en place une salle de nouvelles rigoureusement composée de journalistes professionnels. Le produit devenait donc l’animateur en question. Ce qui coïncidait fort bien avec L’Ère du vide (1983, Gallimard), dont parlait le philosophe Gilles Lipovetsky, en précisant que la révolte collective et idéologique des années 1960 et 1970 avait été remplacée par l’indifférence et le narcissisme.
Et puisque le produit devenait l’animateur vedette, auquel s’identifiait une forte proportion de la population, ce dernier ne se gênerait pas pour retourner désormais l’ascenseur à ses commanditaires. Bref, de transiter de la diffusion générale (broadcasting) à la diffusion ciblée (narrowcasting). C’est-à-dire un passage d’une position généraliste à une posture hyper circonscrite, qui se caractérise par un populisme de…
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Claude André, Front populaire, 26 octobre 2022.
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