La vitalité retrouvée de la pensée anarchiste en France
Né au XIXe siècle, l’anarchisme refait surface dans notre époque, à travers la réactivation d’une philosophie contestant radicalement le principe d’autorité et défendant des formes d’auto-organisation. Comment comprendre la résurgence de l’ethos anarchiste, observé dans le monde entier ?
Dans la préface de la réédition en 1986 de son livre-référence L’Anarchisme. Une histoire des idées et mouvements libertaires, paru à l’origine en 1962, l’historien canadien George Woodcock observait que l’idée libertaire refaisait surface dans le monde, alors qu’il la pensait enterrée depuis l’écrasement de la République espagnole en 1939 à Barcelone. C’est dire combien, si elle était formulée aujourd’hui, sa remarque gagnerait en perspicacité, tant l’on assiste en ce début de XXIe siècle à une résurgence prononcée de l’idée libertaire.
Une réactivation qui se déploie certes à la périphérie du monde social, dans ses plis les plus créatifs et contestataires, mais qui vibre aujourd’hui au sein de nombreux mouvements sociaux de par le monde. Tous mettent en pratique la démocratie directe, les assemblées délibératives, l’autogestion, la volonté de court-circuiter les courroies de transmission de l’appareil d’État. Même si l’idée d’anarchie n’est pas toujours consciemment formulée, les aspirations dont elle est porteuse semblent plus vivantes que jamais.
L’anarchisme, un courant mal compris
Pour comprendre ce retour en grâce d’une idée philosophique et politique inscrite dans l’histoire du XIXe siècle, souvent soumise à des critiques féroces – l’utopie supposée de ses propositions au cœur du monde réel, la tentation ponctuelle de la violence… –, un effort de définition de l’anarchisme, tel que s’y emploie George Woodcock dans son ouvrage, est d’abord nécessaire. Car, comme le remarque aussi Édouard Jourdain dans son livre L’Anarchisme (La Découverte, 2020), « l’anarchisme est encore aujourd’hui mal compris, souvent considéré comme une doctrine prônant le désordre et le chaos, où toute vie politique serait impossible ».
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Jean-Marie Durand, Philosophie Magazine, 3 novembre 2022.
Photo: Souvent ancrés dans l’expérience du «municipalisme libertaire» théorisé par Murray Bookchin (1921-2006), de nouveaux modes d’organisation et d’action militantes sont apparus, tel le mouvement des «ZAD». En photo : Notre-Dame-des-Landes (44), le 15 avril 2018. © Charly Triballeau/AFP