Un livre pour montrer qu’un changement pour le mieux est bel et bien possible
La militante et intellectuelle Naomi Klein nous fait une belle proposition avec son essai Comment tout peut changer, dédié à «la jeunesse mobilisée pour la justice climatique et sociale». L’autrice précise d’ailleurs en avant-propos qu’elle a écrit «ce livre pour montrer qu’un changement pour le mieux est bel et bien possible». Ce double désir de saluer la force d’engagement des jeunes tout en les instruisant des réalités du réchauffement planétaire traverse tout l’ouvrage. Ainsi, même si elle décrit sans détours les désastres naturels frappant désormais la planète, Klein met de l’avant des idées et des «outils» pour permettre un avenir légitime à toutes celles et à tous ceux qui sont préoccupé·es par les conséquences des changements climatiques. Même si l’autrice s’adresse ouvertement aux jeunes, tout le monde appréciera la clarté et la rigueur du propos, porté par une écriture limpide et inspirée (qu’on doit aussi au travail de son traducteur, Nicolas Calvé).
On peut y voir l’influence de sa collaboratrice Rebecca Steffof, connue aux États-Unis pour ses albums jeunesse sur la science, l’histoire et la géographie, à qui l’on doit la plupart des portraits inspirants de jeunes militant·es de tout horizon qui parsèment l’écrit. Ainsi, dans la première partie de l’essai, intitulée «Où en sommes-nous?», Klein donne d’emblée la parole aux jeunes: à Greta Thunberg bien entendu, mais aussi à certain·es des seize militant·es pour la justice climatique âgé·es de 8 à 17 ans et issu·es des cinq continents, qui ont intenté en 2019 une action en justice auprès des Nations Unies. Klein brosse ensuite un portrait détaillé et sans concession des conséquences du réchauffement climatique. Comme bien des crises, celle du climat affecte davantage les populations moins favorisées: le mouvement contre le réchauffement climatique s’avère donc un mouvement pour la justice sociale. La deuxième partie de l’essai, «Comment en sommes-nous arrivés là?», retrace les origines du charbon et des autres combustibles, en s’intéressant à la révolution industrielle et à ses conséquences sur le marché du travail jusqu’au consumérisme actuel. Klein en profite pour faire le récit du mouvement écologique et déploie un véritable talent de conteuse pour présenter Henry David Thoreau, Aldo Léopold ou Rachel Carson. Des exemples de résistances récentes bouclent cette section, dont celui de Bella Bella en Colombie-Britannique, où les 1500 habitant·es de la nation Heiltsuk se sont mobilisé·es, à l’initiative des jeunes de la communauté, pour empêcher avec succès la mise en branle du projet d’oléoduc Northern Gateway, qui menaçait les eaux dont dépend le village pour sa subsistance. La dernière partie, «Et ensuite?», critique les mesures popularisées récemment en réaction au réchauffement climatique (captage et stockage du carbone, bricolage planétaire, plantation d’arbres, etc.) en leur préférant un «green new deal». Les revendications des jeunes, celles des peuples autochtones et celles des groupes organisés peuvent servir un programme de transition pour passer à une économie sans émissions, plus équitable, plus profitable pour tous et toutes. En février et mars sont parus deux rapports très attendus du GIEC, le premier sur la vulnérabilité des écosystèmes et des sociétés humaines, le deuxième sur l’évaluation des méthodes de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’essai de Naomi Klein n’en parait que plus pertinent.
Christian Tremblay, À babord!, no 91, printemps 2022.