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4 juillet 2021

«Les conséquences du capitalisme»: du militarisme aux crises sociales et écologiques

L’ouvrage Les Conséquences du capitalisme est tiré d’un cours que Noam Chomsky et Marv Waterstone ont donné conjointement à l’Université d’Arizona. Il s’origine aux extensions, volontaires ou non, du capitalisme dans les domaines militaires, sociaux, écologiques et contestataires.

 

Grande figure de la gauche anticapitaliste, Noam Chomsky ne cesse d’alimenter le catalogue des éditions Lux depuis le début des années 2000. Nous avions fait mention, il y a quelques mois, dans ces mêmes colonnes, des entretiens entre le professeur de l’Université d’Arizona et le journaliste allemand Emran Feroz, parus sous le titre La Lutte ou la Chute !. Ce qu’on ignorait en revanche, c’est à quel point l’intitulé de cet opuscule annoncerait le programme des Conséquences du capitalisme. La chute est de nature protéiforme : elle s’étend du terrain militaire au domaine démocratique, social ou écologique. La lutte, quand elle demeure possible, permet quant à elle de prendre le pouls d’une société lasse, qui se dresse contre les contrecoups sociaux et les externalités négatives d’un système économique créateur d’inégalités et incubateur de catastrophes socio-écologiques.

Tout au long de ce volumineux ouvrage (plus de 400 pages), Noam Chomsky et Marv Waterstone prennent langue avec un capitalisme qu’ils connectent à des événements tragiques : coups d’État, militarisme, concentration des richesses, accidents nucléaires, perturbateurs endocriniens… Dans une démonstration par étapes, qui évoque tôt le sens commun et ne cesse ensuite d’en enrichir les tenants et aboutissants, les deux universitaires passent en revue les conséquences d’un capitalisme qui se projette en toute chose : l’économie bien entendu, le monde social par extension, la politique, les médias, la guerre ou l’écologie, et enfin les résistances qui lui sont opposées. Leur démonstration, entièrement à charge, ne souffre aucune concession : le capitalisme est la raison pour laquelle six sociétés décident de 90% de ce que les Américains vont lire ou regarder, il explique la guerre en Irak et les contorsions linguistiques qui l’entourent, il aboutit à ce que les 26 personnes les plus riches du monde détiennent autant de capital que la moitié la plus pauvre de l’humanité, il désigne, le plus souvent par commodité, des menaces intérieures ou extérieures (du communiste au terroriste), il explique que le budget de la Défense engloutit des fonds publics au détriment de la sécurité sociale…

D’Edward Bernays à Anthony Giddens, de Walter Lippmann à Antonio Gramsci, de George Orwell à Adam Smith, les deux auteurs convoquent toute une série de personnalités afin d’étayer leur propos. Et au fil des leçons prodiguées, ils livrent des données édifiantes. « Le budget total de l’ONU ne représente (…) qu’une fraction des dépenses militaires mondiales. Il compte pour seulement 1,8 % de ce que nous dépensons pour l’armée, ce qui en dit long sur nos priorités. » Plus loin : « Les statistiques dont nous disposons aujourd’hui sont fiables. Elles indiquent que 50 % de la richesse mondiale est aux mains de grandes sociétés établies aux États-Unis, même si le PIB national est loin de refléter cette réalité. » Ou encore : « On prévoit que d’ici moins de trente ans, l’Allemagne aura perdu 76 % de sa masse totale d’insectes volants ; le nombre de papillons monarques dans le monde a chuté de 90 % depuis 1996 ; les populations d’abeilles connaissent un déclin rapide partout sur la planète. Soixante-quinze pour cent de la diversité génétique des cultures agricoles ont d’ores et déjà été perdus, du fait notamment de la formation de conglomérats et de la monoculture. Soixante-quinze pour cent des pêcheries dans le monde sont désormais pleinement utilisées ou surexploitées. Jusqu’à 70 % des espèces connues sont menacées d’extinction en cas de hausse des températures mondiales supérieure à 3,5 °C, un scénario plus que probable. Chaque jour nous en rapproche davantage. »

Ces conséquences néfastes du capitalisme appellent, selon les auteurs, à une résistance légitime. Le hic, et ils l’énoncent longuement, c’est que les mouvements sociaux se voient de plus en plus réprimés. Les activistes sont parfois confondus par le FBI avec des terroristes. Et les pays européens ne sont pas en reste, comme en témoignent les dérives policières liées au mouvement des Gilets jaunes. Pendant ce temps, la santé, l’éducation ou la sécurité sociale figurent parmi les victimes impuissantes du néolibéralisme. La délocalisation des activités industrielles mêlée à la sédentarité de la main-d’œuvre a occasionné un chômage de masse. Mais les patrons des multinationales sont toujours mieux insérés dans les cercles du pouvoir. L’Administration Trump, non contente d’augmenter les budgets militaires, a ainsi ouvert ses portes à d’anciens cadres d’ExxonMobil… Et les taxes sur les gains en capital, les impôts sur les sociétés ou ceux sur le revenu demeurent en chute libre depuis les années 1950, pendant qu’à l’international, l’armée organise la mainmise capitalistique, ou laisse grand soin au FMI, à l’OMC ou à la Banque mondiale de le faire. Tous ces (mé)faits, et bien d’autres encore, irriguent de bout en bout l’ouvrage de Noam Chomsky et Marv Waterstone.

Jonathan Fanara, Le Mag du ciné, 4 juillet 2021.

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