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29 avril 2021

Serge Bouchard, les camions et l’anthropologie

Quiconque a déjà entendu parler l’anthropologue Serge Bouchard sait que l’éminent penseur a un amour presque iconoclaste pour le camion, cette bête de somme des temps modernes. Cet intérêt découle notamment d’une série de voyages effectués avec des truckeurs sur les routes glacées du Nord à l’époque de la construction des barrages de la Baie James. Et c’est cette sorte de première rencontre qui est racontée dans Du diesel dans les veines, récemment paru chez Lux.

L’ouvrage est en fait une adaptation quelque peu romancée, à l’aide de Mark Fortier, de la thèse soumise par M. Bouchard il y a maintenant une quarantaine d’années. Thèse qui, avouera candidement son auteur, « est restée cachée dans des cartons » pendant presque tout ce temps. Dont acte, avec cette version, en quelque sorte, qui se lit à la fois comme un petit précis de sociologie « camionesque », mais aussi comme un roman d’exploration des grandes étendues sauvages du Québec devant encore être défriché.

Il n’est d’ailleurs point question, ici, des chauffeurs de camion qui circulent sur les routes du sud du Québec. Non, ces derniers, qui ont un horaire stable, des revenus souvent garantis, sont presque considérés comme des « planqués », ou encore, paradoxalement, comme des gens qui ont réussi, en quelque sorte.

Mais Serge Bouchard est allé à la rencontre des « vrais », ceux qui travaillent 100 heures et plus par semaine, se tuent lentement à l’ouvrage, mais qui retirent une fierté inégalée de ces efforts titanesques qui permettent non seulement de gagner sa vie dignement, mais aussi de participer à la construction de la nation québécoise.

À la fois humble et seigneurial, le truckeur règne en maître sur sa machine, avec qui il entretient une relation quasiment symbiotique. Mais la mécanique est sujette à problèmes, tout comme l’humain est éminemment faillible.

Avec quelque 40 années de recul, il est d’ailleurs fascinant de lire les ajouts et les remarques apportés par l’auteur à son propre travail, en tenant compte des changements de la société québécoise depuis cette ruée vers le Nord. Les grands projets de barrages sont largement terminés, les trucks sont mieux aménagés, mais il y a aussi, sans doute, cette pression toujours plus grande pour atteindre une efficacité maximale, surtout avec l’installation d’appareils GPS dans les cabines.

Et que dire de tous ces livreurs qui sillonnent les rues des villes? Un autre genre de trucks, certainement, mais là aussi, il serait intéressant d’examiner ce phénomène. On y trouverait probablement une « faune » tout aussi québécoise, aux expériences différentes, mais aux « fondations » similaires.

À ajouter rapidement à sa bibliothèque, donc, pour mieux comprendre un métier essentiel, mais généralement négligé.

Hugo Prévost, Pieuvre.ca, 29 avril 2021

Lisez l’original ici.

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